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Sujet : L’utilisation de la torture et la brutalité policière en Egypte

Numéro d’identification Créé le Publié le Classification Origine
09CAIRO79 2009-01-15 15:03 2011-01-28 00:12 CONFIDENTIEL Ambassade du  Caire
  1. VZCZCXYZ0003
  2. RR RUEHWEB
  3. DE RUEHEG #0079/01 0151524
  4. ZNY CCCCC ZZH
  5. R 151524Z JAN 09
  6. FM AMEMBASSY CAIRO
  7. TO RUEHC/SECSTATE WASHDC 1372
  8. INFO RUEHXK/ARAB ISRAELI COLLECTIVE
  9. RHEHNSC/NSC WASHDC
  10. C O N F I D E N T I A L
  11. CAIRO 000079
  12. SIPDIS
  13. DEPARTMENT FOR NEA/ELA, DRL/NESCA, INL AND INR/NESA NSC FOR PASCUAL AND KUTCHA-HELBLINGE.O.
  14. 12958: DECL: 01/15/2029
  15. TAGS: PGOV PHUM KDEM EG

Classifié par : ambassadeur Margaret Scobey pour raisons 1.4(b) et (d).

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Résumé et commentaire

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1. (C) Résumé et commentaire : La brutalité de la police en Egypte contre les criminels de droit commun est fréquente et répandue. Des contacts décrivent l’utilisation de la force par la police pour extraire des confessions des criminels comme un évènement quotidien, résultant d’une mauvaise formation et d’un manque d’effectifs. La brutalité contre les détenus islamistes a globalement diminué, mais les forces de sécurité ont encore recours à la torture contre les activistes des Frères Musulmans qui sont considérés comme une menace politique. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement a cessé de nier l’existence de la torture, et depuis fin 2007 les tribunaux ont condamnés environ 15 officiers de police à la prison pour torture et meurtres.

Des ONG indépendantes ont critiqué les efforts du GOE [Governement of Egypt, soit gouvernement égyptien] qui ont conduit à une formation policière aux droits de l’homme inefficace, et un manque de volonté politique. Le GOE n’a pas encore fait de sérieux efforts pour transformer la police d’un actuel instrument du pouvoir du système en un service d’institution publique. Nous voulons continuer le programme de formation policière financé par l’USG (ref F), et à chercher d’autres moyens pour aider le GOE à diminuer la brutalité policière. Fin du résumé et du commentaire.

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Un problème omniprésent

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Photo prise dans un poste de police en Egypte

¶2. (C) La torture et la brutalité policière sont endémiques et largement répandues en Egypte. La police utilise des méthodes brutales majoritairement contre des criminels de droit commun pour leur extraire des confessions, mais également contre des manifestants, certains prisonniers politiques et des passants malheureux. Un avocat des droits de l’homme nous a dit qu’il y a des preuves que l’utilisation de la torture en Egypte remonte aux temps des Pharaons. Des contacts d’ONG estiment qu’il y a littéralement des centaines d’incidents de torture tous les jours dans les stations de police du Caire seulement. Les Egyptiens sont bombardés de bulletins de nouvelles consistantes à propos de la brutalité policière, allant d’incidents notoire comme des tirs accidentels mais mortels de policiers dans Salamut et Aswan l’automne dernier (refs B et C) qui ont déclenché des émeutes, aux rapports d’officiers de police tirant sur des civils lors d’une dispute concernant des tickets de circulation. En novembre 2008 seulement, il y a eu deux incidents de policiers hors service tirant et tuant des civils pour des litiges mineurs. Les poursuites engagées contre les deux officiers sont en train de faire leur chemin à travers le système judiciaire.

2. (C) Des contacts d’ONG et d’universités témoignent à travers le rapport du spectre politique de la brutalité policière dans le cadre de leurs vies quotidiennes. XXXXXXXXXX, un universitaire nous à dit qu’à XXXXXXXXXXX la police a battu un suspect féminin pour obtenir la confession des autres personnes impliquées dans un vol ainsi que le sort des objets volés. Un contact d’une ONG internationale a témoigné que la police a battu le portier d’un immeuble de luxe au Caire pour qu’il divulgue le numéro de l’appartement d’un suspect. Un autre contact d’une ONG des droits de l’homme nous a dit que ses amis ne reportent pas les vols dans leurs appartements parce qu’ils ne veulent pas que « tous les portiers » des environs soient l’objet de violences policières. Elle nous a dit que l’utilisation de la force par la police est rentrée dans la culture égyptienne dans la mesure où un feuilleton télévisé populaire a récemment mis en vedette un héros détective de la police qui bat des suspects pour recueillir des preuves.

4. (C) Des contacts attribuent la brutalité policière à une mauvaise formation, un manque d’effectifs et des sanctions officielles. L’avocat des droits de l’homme XXXXXXXX XXXXXXXXX XXXXXXXXX pense que les agents ont régulièrement recours à la violence à cause de la pression de leurs supérieurs pour résoudre des crimes. Il a affirmé quel la plupart des officiers pensent que résoudre des crimes justifie l’utilisation de méthodes d’interrogation violentes, et que certains policiers croient que la loi islamique sanctionne la torture. XXXXXXXXXX a fait observer que la culture de l’impunité judiciaire des policiers permet une brutalité continuelle. Selon XXXXXXXXXX, « les officiers de police se sentent au dessus de la loi et protégés par le procureur public ». L’avocat des droits de l’homme XXXXXXXXXXXX a attribué la brutalité policière contre les criminels de droit commun, y compris l’utilisation de chocs électriques, au problème des officiers démoralisés par de longues heures et leurs propres problèmes économiques. Il affirmé que la police battrait même les avocats qui entreraient dans les postes de police pour défendre leurs clients.

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Criminels et Islamistes

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Répression d'une manifestation du mouvement du 6 avril

¶5. (C) XXXXXXXXXXXX a expliqué que depuis que le GOE a ouvert le dialogue avec les anciens Islamistes violents, comme le Groupe Islamiste, suivant l’attaque terroriste de Luxor en 1997, la torture des Islamiste a diminuée. XXXXXXXXXX a affirmé que le GOE traite maintenant mieux les Islamistes que les criminels de droit commun. Il a affirmé que certains détenus Islamistes étaient « gâtés », avec le droit aux visites régulières d’amis et de proches, l’accès à une nourriture décente et à l’éducation. Avant l’attaque de Luxor, a commenté XXXXXXXXXX, le gouvernement aurait torturé les détenus Islamistes quotidiennement.

6. (C) L’avocat XXXXXXXXXXXXXX a dit que le GOE est plus réticent à torturer les Islamistes, y compris les membres des Frères Musulmans (FM), à cause de leur persistance à faire des constats politiques publics, et de leurs contacts avec des ONG internationales qui pourraient embarrasser le régime. XXXXXXXXXXX a émis l’hypothèse qu’il y ait une exception à cette règle lorsque des membres des FM mobilisent des personnes contre le gouvernement d’une façon que le régime considère menaçante, comme l’appel à la grève sur Facebook le 6 avril (ref D). Selon XXXXXXXXXXX, les blogueurs affiliés des FM et le membre du « Mouvement du 6 avril » XXXXXXXXXXX que la police à arrêté XXXXXXXXXXXX (ref A) tombent dans cette catégorie, et le GOE est probablement en train de le torturer pour intimider les autres membres du « 6 avril » et les faire cesser leurs activités politiques. L’affirmation de XXXXXXXXXX concorde avec les dires du membre du « 6 avril » XXXXXXXXXXX à propos de sa propre torture et d’allégations d’attentat à la pudeur d’une activiste féminine du « 6 avril » ce dernier novembre (ref A). Des blogueurs proches de XXXXXXXXX nous ont dit qu’après son arrestation il a été sévèrement torturé avec des chocs électriques et a nécessité une hospitalisation, mais que les forces de sécurité ont arrêté la torture lorsqu’il a commencé à coopérer.

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La conscience du gouvernement égyptien de ce problème

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Police égyptienne

¶7. (C) Nos contacts s’accordent sur le fait que depuis les cinq dernières années, le gouvernement a arrêté de nier l’existence de la torture, et a pris quelques mesures pour régler le problème. Toutefois, les contacts pensent que le ministère de l’Intérieur n’a pas la volonté politique de prendre des mesures concrètes pour changer la culture de la brutalité policière. XXXXXXXXXXX a affirmé qu’à la suite des ordres supposés du ministère de l’Intérieur entre 2000 et 2006 pour que la police tire, batte et humilie des juges dans le but de saper l’indépendance judiciaire, le GOE a pris une décision politique en 2007 pour permettre aux tribunaux d’infliger des peines de prison courtes à des officiers de police. XXXXXXXXXXX a décrit le cas Imad El-Kebir en 2007 comme étant un tournant décisif pour influencer le gouvernement et permettre la condamnation d’officiers de police.

(Note : pour la ref E, un tribunal a condamné deux policiers à trois ans de prison en novembre 2007 pour avoir agressé et sodomisé le conducteur de bus Imad El-Kebir. L’affaire a gagné en notoriété après qu’un enregistrement vidéo de téléphone portable ait été posté sur YouTube. Fin de note.)

8. (C) Environ 13 cas d’officiers accusés de brutalité font actuellement leur chemin à travers les tribunaux, et les juges ont prononcé des peines modérées, en général les trois ans de prison minimum, contre des policiers ces derniers mois, souvent pour des crimes haineux. Par exemple, en Octobre 2008, un tribunal a condamné un policier à trois ans de prison pour avoir battu et noyé un pêcheur. En novembre 2008, un tribunal a condamné deux policiers à trois ans de prison pour avoir accroché un homme à leur voiture et l’avoir traîné jusqu’à sa mort. XXXXXXXXXXXX a qualifié ces peines de « légères » en proportion de ces crimes, mais a commenté que toute condamnation à des peines de prison constitue une importante progression pour tenir la police responsable de ses crimes. XXXXXXXXXXXX a commenté que ces peines de prison démontrent que le GOE donne l’espace politique aux juges pour leur permettre de fonctionner de façon relativement indépendante, en réponse aux critiques des gouvernements étrangers et des ONG internationales. XXXXXXXXXXX a décrit les peines comme également importantes en attirant l’attention du public sur les crimes brutaux de la police, et en renforçant la main des avocats qui appellent à une réforme des problèmes systémiques au sein de la police.

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Les efforts du gouvernement égyptien

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Ahmed Haggag

¶9. (C) L’ambassadeur Ahmed Haggag, coordinateur du projet de capacité de construction des droits de l’homme de l’UNDP, détaché du MFA [NDLR : Ministère des Affaires Etrangères], nous a décrit les efforts de l’organisation pour former les ministères de l’Intérieur et de la Justice et les procureurs publics aux questions des droits de l’homme à travers des lectures et des ateliers. Reconnaissnt que la torture est « un problème, mais pas de tous les jours », Haggag a dit que l’UNDP forme les policiers aux conventions internationales des droits de l’homme, et tente de convaincre les policiers de résoudre les cas en utilisant « les moyens juridiques et éthiques » au lieu de la torture. Haggag nous a dit qu’il « doute qu’il y ait encore de la torture contre les prisonniers politiques ». Des membres du personnel du Conseil National pour les Droits de l’Homme quasi-gouvernemental ont décrit les ateliers du conseil pour les officiers de police, où des professeurs réalisaient des lectures sur les droits de l’Homme et la psychologie des prisonniers. Des contacts d’ONG ont critiqué en privé le projet de l’UNDP, le qualifiant d’inefficace, et se plaignant qu’il a interdit à des avocats des droits de l’homme crédibles de donner des lectures à la police en raison de leur opposition politique au NDP, et a invité à la place des responsables du MOI [NDLR : Ministère de l’Intérieur] complices de la torture pour réaliser des présentations sur les droits de l’homme.

10. (C) Fin décembre 2008, le MOI a annoncé avoir suspendu 280 officiers de police pour violation des droits de l’homme et licencié 1164 policiers de rang inférieur pour faute. Nos contacts d’ONG ont douté que les actions disciplinaires concernaient les droits de l’homme, et ont émis l’hypothèse que les officiers étaient probablement impliqués dans des prises de pots de vin ou d’autres activités illégales. XXXXXXXXXXX a affirmé que cette annonce ne constituait pas une politique du MOI sérieuse vis-à-vis des droits de l’homme. XXXXXXXXXXX a exprimé son scepticisme quant à savoir si ces actions disciplinaires se traduiront par des changements positifs sur le long terme XXXXXXXXXXX

11. (C) L’ancien cadre supérieur du Ministère de l’Intérieur Ihab Youssef, directeur de l’ONG « La Police et la Population pour l’Egypte » nous a dit fin 2008 que son ONG n’avait pas reçu beaucoup de propositions du public en réponse à sa sollicitation d’idées pour développer des projets afin d’instaurer la confiance entre la police et les citoyens. Youssef a dit que la page Facebook de l’ONG, qui permet au public de se plaindre de la police, a généré plus d’intérêt. En septembre 2008, Youssef a annoncé publiquement la création de son ONG, qui compte des personnalités telles que l’ancien FM Ahmed Maher parmi les membres de son conseil (ref C). Youssef ne reçoit pas de fonds de la part du GOE, et s’est tourné vers des entreprises égyptiennes privées pour lever des fonds. XXXXXXXXXXXX

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Commentaire

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12. (C) Le GOE n’a pas commencé à travailler sérieusement pour essayer de transformer la police et les services de sécurité d’instruments du pouvoir et de protection de régime en institutions opérant dans l’intérêt du public, malgré les slogans officiels clamant le contraire. Il semblerait que le gouvernement ait fortement intérêt à éviter de futurs tirs accidentels sur des innocents, comme les incidents de Salamut et d’Aswan qui ont déclenché des émeutes. Nous imaginons que l’arrêt de la torture des criminels de droit commun, qui sont généralement pauvres et peu influents, n’est pas la priorité sur l’agenda du GOE. Nous voulons continuer la formation des policiers financée par l’USG, et nous allons chercher des moyens pour aider les travaux de lancement de production de l’ONG XXXXXXXXXXXXXX.

SCOBEY