Articles Tagués ‘DRS’

Iskander Debache

Iskander Debache

Le journaliste, l’opposant au régime algérien et militant des Droits de l’Homme, Iskander Debache, connu par ses articles hostiles au pouvoir, a fait l’objet d’une arrestation ce matin aux environs de 10 heures à son arrivée à l’aéroport d’Alger en provenance de Paris (vol N° AH 1009 d’Air Algérie). Le militant réfugié en France reconnu depuis 2005 et recherché en Algérie pour délit d’opinion aurait été arrêté par des policiers qui l’attendaient visiblement, avant même qu’il ne descende de l’avion et dirigé dans un premier temps au poste de police de l’aéroport. Selon son épouse, il s’agissait d’une simple vérification d’identité, aux dires d’un officier de police. Mais par la suite, elle perdra tout contact avec son mari qui serait actuellement entre les mains de la police politique (DRS).

M. Debache qui a décidé de rentrer en Algérie pour « des raisons particulièrement graves touchant à sa famille » a été gardé à l’aéroport d’Alger par la police des frontière, selon son épouse qui a pu le voir « La police le garde toujours à l’attente de l’arrivé de la DRS pour l’emmener ». a déclaré Mme Debache contactée par téléphone par l’observatoire des droits de l’homme de Tizi Ouzou.

Plusieurs organisations de lutte pour les droits de l’homme en Algérie comme le réseau des avocats (RADDH), la cellule des droits de l’Homme du FCN et l’observatoire algérien des droits de l’homme ont dénoncé cette interpellation et réclament la libération immédiate du journaliste Iskander Debache.

Communiqué de l’observatoire algérien des droits de l’homme

[En arabe]

علم المرصد الجزائري لحقوق الإنسان اليوم بإعتقال السيد إسكندر دباش بمطار هواري بومدين من طرف جهاز المخابرات أثناء عودته لأرض الوطن بعد غياب دام 21 سنة
إن المرصد يدين وبكل قوة هذا الإجراء التعسفي في حق هذا المواطن الجزائري الذي لم تصدر أية جهة قضائية وطنية أو دولية في حقه أي إجراء يقضي بتوقيفة وإعتقاله.
كما يحمل المرصد جهاز المخابرات ورئيس الجمهورية كامل المسؤولية عن حياة ومصير السيد إسكندر دباش الذي يصنف المرصد عملية إعتقاله التعسفية اليوم في خانة الإختطاف المتفق عليه.
ويدعو المرصد كافة المنظمات الحقوقية إلى التنديد بهذه الممارسات التي ماتزال مستمرة والتي تثبت مرة أخرى مسؤوليه هذا النظام في إختطاف آلاف المواطنين خلال العشرية الحمراء
كما يعرب المرصد عن كامل تضامنه مع زوجة المعني ومساندتها في هذه المحنة
إنتهى نص البيان
10/01/2013

حسن بوراس/ المكلف بالإعلام في المكتب التنفيذي

Observatoire Algérien des Droits de l’Homme

المرصد الجزائري لحقوق الانسان

Le lundi 27 février, Wikileaks a lancé la publication des « Global Intelligence Files » (petits papiers du renseignement mondial), plus de cinq millions d’emails de la société de renseignement privée Stratfor, basée au Texas. Les emails – saisis par des hackers du collectif Anonymous le 24 décembre 2011 – couvrent une période allant de juillet 2004 à fin décembre 2011. L’équipe du blog de l’opération Leakspin est parvenue à dénombrer quelque milliers emails ayant pour objet l’Algérie parmi les cinq millions récupérés.

La traduction intégrale de l’email ayant l’ID 1132443, daté du 23 février 2011 et échangé entre Reva Bhalla, la directrice des analyses chez Stratfor (ici pour consulter son profil sur le réseau LinkedIn) et le service des analyses de la même firme nous confirme les rumeurs qui circulent en Algérie d’une éventuelle guerre silencieuse entre le clan du président de la république Abdelaziz Bouteflika et le clan du tout-puissant patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le général Mohamed Mediene, dit « Tawfic ».

L’email qui représente le témoignage d’un diplomate algérien, une source crédible selon Stratfor (FIABILITÉ DE LA SOURCE: C – L’importance de la source se classe entre des notes allant de A à F, la note A représentant la source la plus fiable et la note F la source la moins fiable – / CRÉDIBILITÉ DE L’ÉLÉMENT: 3 – La crédibilité de l’information se classe entre des notes allant de 1 à 10, la note 1 représentant l’information la plus crédible et la note 10 l’information la moins crédible -) révèle que le vrai combat n’est pas entre  Mediene, le général affaibli par la maladie et Abdulaziz Bouteflika, mais entre Mediene et le jeune frère du président Said.

Saeed Bouteflika au volant a coté de son frère le président Abdelaziz

Saeed Bouteflika au volant a coté de son frère le président Abdelaziz

INSIGHT – ALGERIE – Maintenant le chef des renseignements est sur la défensive?

Le document original du site Wikileaks est accessible ici.

Email-ID                    1132443
Date 2011-02-23 19:00:25
De bhalla@stratfor.com
A analysts@stratfor.com                                                                                                                        

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PUBLICATION: Pour analyse
ATTRIBUTION: STRATFOR source
SOURCE DESCRIPTION: Diplomate algérien
FIABILITÉ DE LA SOURCE: C
CRÉDIBILITÉ DE L’ÉLÉMENT: 3
DISTRIBUTION: Analystes
GESTIONNAIRE DE SOURCE: Reva

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** Michael Harris a pris les devants dans ce qui suit pour récupérer quelques parties du background de ces mecs pour une mise à jour. Élément clé pour expliquer la désescalade des protestations en Algérie et nous avons besoin de déterminer avec précision quand les syndicats se sont retirés.

Le général Mohammad Mediene, souvent surnommé général Tawfic, est gravement malade et succombe au diabète et à la vieillesse. Il (La source -le diplomate algérien-) dit que le vrai combat n’est pas entre le président Abdulaziz Bouteflika et Mediene. Mais il est entre Mediene et le frère du président Saeed, qui semble prédominant contre Mediene. Ce dernier a été encore affaibli par la mort de son ami le général Al-Ammari qui était en charge des opérations des services de renseignement algériens. Saeed est en train de préparer son ami le général Fawzi pour remplacer Tawfic (Mediene) le plutôt possible. Saeed, qui contrôle pratiquement tout en Algérie, a convaincu les syndicats de se dissocier des mouvements de protestation.

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Stratfor

bachir belharchaoui

Algérie : Inquiétude concernant l’arrestation du Franco-Algérien Bachir Belharchaoui à Alger

Algeria-Watch, 4 septembre 2011

« Algéria-watch vient de faire état d’un cas de torture abominable perpétré par le sinistre Département du renseignement et de la sécurité (DRS), la police politique algérienne, sur la personne de monsieur Bachir Belharchaoui, un Algéro-français de 44 ans et père de trois enfants. D’après l’information, la victime du DRS serait un ancien sous-officier du DRS, il avait fui cette organisation de criminels en 1994 pour s’établir en France où il recommença sa vie avec une Française.

Monsieur Belharchaoui fut arrêté le 18 août dernier à sa descente d’avion à l’aéroport de Houari Boumediene, il était en compagnie de l’un de ses enfants . Il fut détenu dans le secret où il a subi des tortures physique et morale selon la même source. Trois jours après, il fut présenté devant le tribunal militaire de Blida. Son père et son frère, présents sur les lieux, ont constaté les signes des sévices que le DRS lui a infligés : il avait le visage démoli et marchait avec difficulté. Algeria-Watch précise que le père de la victime avait perdu connaissance quand il vit son fils dans un état épouvantable.

Cette nouvelle affaire de violation des droits de l’homme vient s’ajouter à la longue série noire des traitements inhumains que réservent les criminels du DRS aux opposants politiques. En traumatisant les militaires qui ont refusé de participer aux crimes de guerre pendant la sale guerre des années 90, le DRS – encore contrôlé par de faux patriotes -envoie un avertissement clair à ceux qui parmi eux seraient tentés par la dissidence ou par la repentance.

La nouvelle affaire de torture va soulever un tollé général en Algérie. Comme à leurs habitudes, les braves moudjahiddine, les enfants des glorieux chouhada et les patriotes consciencieux qui y foisonnent et qui se rengorgent de la gloire et la grandeur de l’Algérie, seront les premiers à dénoncer ces actes barbares qui les heurtent certainement. On n’en doute pas une seconde…

Une fois de plus, en fermant les yeux sur les pratiques cruelles de ses services de renseignements, l’Etat algérien démontre qu’elle se rebiffe devant ses responsabilités et démontre sa soumission lâche devant une organisation de militaires qui opèrent sans cadre légal et opèrent avec des pratiques contraires à la loi, contraires aux valeurs du peuple algérien et contraires aux conventions internationales auxquelles il a souscrit. »

Affaire Bachir Belharchaoui : Le tribunal militaire de Blida exige de la famille de changer d’avocat


« Le président du tribunal militaire de Blida nous a demandé un changement d’avocat sans avancer de motif. Il ne veut pas que notre frère soit représenté par Me Amine Sidhoum», affirme Hafida Belharachoui, sœur de Bachir Belharchaoui, ex-sous officier du DRS, présentement «en détention provisoire» à la prison militaire de Blida depuis le 28 août dernier.

Selon Hafida Belharchaoui, «le président du tribunal militaire de Blida nous propose deux avocats d’office». La famille de Bachir Belharchaoui campe sur ses positions. «Nous voulons que Bachir soit défendu par Me Amine Sidhoum», souligne-t-elle.
Maître Amine Sidhoum nous a indiqué que «le tribunal militaire de Blida ne peut juger Bachir Belharchaoui, puisqu’il ne fait plus partie du corps militaire. Nous demandons le transfert de son dossier à un tribunal civil dans le cas d’un éventuel procès.»
Il pense dans le même sillage que «l’article 18 du code de la justice militaire est incohérent». Cet article stipule : «Devant les juridictions militaires, la défense est assurée par les avocats inscrits au barreau ou par un militaire agréé par l’autorité militaire.

Toutefois, dans les affaires relatives aux infractions spéciales d’ordre militaire prévues dans le présent code, le défenseur choisi par l’inculpé ne peut assister, défendre ou représenter ce dernier, tant au cours de l’instruction qu’à l’audience, que s’il a été autorisé par le président du tribunal militaire permanent saisi ; dans le cas contraire, le défenseur est désigné par le président.» Maître Sidhoum précise que «le choix de l’avocat revient à la famille ou à l’incriminé, pas au président du tribunal militaire». Il indique que «si les déclarations de la famille se confirment, nous dénonçons ces pratiques qui ne font pas honneur à la justice algérienne et constituent un grave précédent».

D’après les propos du frère de Bachir Belharchaoui, qui lui a rendu dernièrement visite, le prévenu est présentement «sous traitement médical et sous suivi psychiatrique». «Nous ne savons pas pour quelles raisons il prend des médicaments. Mon frère est pourtant en bonne santé. Et je ne comprends pas pourquoi il est suivi par un psychiatre. Bachir n’a jamais connu de problèmes mentaux», affirme la sœur de l’ex-militaire.
Bachir Belharchaoui a indiqué à son frère qu’il nie toutes les accusations portées à son encontre, à savoir «intelligences avec l’ennemi, trahison et divulgation de secrets militaires».

«L’arrestation de Bachir est une manipulation»

Mme Hafida Belharchaoui pense que «l’arrestation de Bachir est une manipulation». Elle affirme : «C’est un haut gradé du DRS qui est à l’origine de l’arrestation de Bachir.» Et d’ajouter : «C’était son voisin aux Tagarins (quartier situé sur les hauteurs d’Alger). Il accuse mon frère d’appartenir au Mouvement algérien des officiers libres (MAOL). Bachir n’a jamais eu de contact avec eux et n’a en aucun cas fait partie. Cet officier du DRS accuse également mon frère d’être une source d’informations concernant un article paru sur lui sur le site du MAOL.»
Pour rappel, le MAOL est actif sur internet. Le site est animé par d’anciens militaires de l’Armée nationale populaire (ANP), qui se disent dissidents et opposés à l’actuel commandement du DRS.

Bachir n’a jamais été inquiété durant les années 1990

La sœur du détenu s’interroge : «Bachir partait régulièrement en Algérie. Il n’a jamais été inquiété ou arrêté. La dernière fois c’était en 2009. S’il est accusé de trahison, pourquoi n’a-t-il pas été appréhendé durant les années 1990 ou au cours des années 2000. Pourquoi attendre 2011 ?» Sur un autre point, Mme Hafida Belharchoui indique que «l’Etat algérien n’a pas encore répondu à la lettre envoyée par le ministère des Affaire étrangères français fin août dernier». «Des représentants de l’ambassade de France se sont aussi vu refuser le droit de rendre visite à Bachir», a-t-elle ajouté.
Mme Hafida Belharchaoui déplore d’autre part «le refus d’octroi d’un visa d’entrée en Algérie à Leïla, l’épouse de Bachir Belharachoui (française d’origine) et à son avocat», réputé en France.

Création d’une association de soutien

Un comité de soutien est sur le point de voir le jour. «Nous allons créer une association pour soutenir Bachir. Il est innocent. Mais les obstacles ont commencé à apparaître. Un Franco-Algérien, travaillant à la mairie de Tarare (lieu de résidence de M. Belharchaoui en région lyonnaise), refuse de nous délivrer l’autorisation pour créer l’association. Il dit qu’il ne veut pas avoir de problèmes avec les Algériens. Pour cela, nous domicilierons l’association à Paris. Par la suite, nous prendrons contact avec les ONG de protection des droits de l’homme», annonce la sœur de l’inculpé.

Le MDN ne fournit pas sa version des faits

Pour connaître l’avis du ministère de la Défense nationale (MDN), nous avons contacté la cellule de communication mercredi dernier. «Laissez votre numéro et nous vous contacterons, le chargé de communication est en réunion», nous a-t-on répondu. Quelques heures plus tard, nous avons rappelé le MDN. «Nous vous appellerons dans quelques heures», indique le standardiste. En vain. Nous avons également attendu l’appel durant la journée de jeudi. Aucune réponse.
Ancien sous-officier du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), Bachir Belharchaoui est âgé de 44 ans. Il a été arrêté le 18 août 2011 à l’aéroport international Houari Boumediène d’Alger. Sa famille avait en premier lieu dénoncé «la torture» qu’il a subie par des éléments du DRS, information vite démentie par le parquet de Blida (voir nos éditions des 8 et 11 septembre 2011).
Bachir Belharchaoui est également détenteur de la nationalité française. Ayant rejoint les services de renseignement en 1987, il a demandé sa radiation qu’il a obtenue en 1993, au terme de son contrat.

Mehdi Bsikri

2 remarques importantes:

1/L’avocat réfuté par le Procureur militaire, Me Amine SIDHOUM, est le fils de Salah Eddine SIDHOUM, Coordinateur du FCN. L’un et l’autre sont connus pour être de farouches défenseurs des Droits de l’Homme en Algérie.

2/L’officier qui a piégé Belharchaoui, pour qu’il se rende en Algérie, et qui l’aurait personnellement torturé est le Colonel Haddad, dit « Nacer el jen », connu par les Algériens comme étant le plus grand criminel contre l’humanité durant la décennie rouge. »

sources :

 http://www.lequotidienalgerie.org/2011/10/15/affaire-bachir-belharchaoui-de-violation-du-droit-en-violation-des-droits/

 http://www.algeria-watch.org/fr/aw/belharchaoui_disparu.htm

 Pour approfondir le sujet je vous invite vivement a regarder ce lien :
http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvtort/machine_mort/machine_mort_rapport_1.htm

Mise à jour le 30/04/2012 : Un an de prison pour Bachir Belharchaoui.

L’avocat du Franco-Algérien Bachir Belharchaoui a déclaré à AFP que son client été condamné par le tribunal militaire de Blida d’un an de prison ferme, selon les déclaration de l’avocat, le procès s’est déroulé « dans de bonnes conditions » devant un juge civil secondé par deux juges militaires (des colonels) en présence de la famille de l’accusé.

Pour plus d’informations : http://www.tsa-algerie.com/divers/un-an-de-prison-pour-un-franco-algerien-ex-officier-du-renseignement_20523.html

Le câble fleuve sur le délitement du régime algérien. Une analyse sans concession sur les travers des dirigeants de l’Algérie et des maux qui touchent ce pays. Dans ce câble, l’ambassadeur américain relate ses conversations avec plusieurs personnalités d’opposition et une personne proche du pouvoir dont le nom n’est pas connu.

Les sujets traités :

  • Le terrorisme. Les Etats-Unis critiquent très violemment la politique de réconciliation nationale menée par Bouteflika et votée par référendum en 2005. Cette loi amnistie les criminels islamistes et empêche toute poursuite judiciaire contre des membres des forces de sécurité de l’Etat pour des actes commis durant la guerre civile des années 1990. Les Etats-Unis insistent sur l’échec de cette politique en prenant comme exemple l’attentat à la bombe meurtrier du 17 décembre 2007 commis par des islamistes amnistiés. A lire:  Réconciliation sur fond d’incertitudes, rfi.fr, 12/03/2006
  • Le désenchantement de la société Algérienne et en particulier des jeunes. Tous les interlocuteurs de l’ambassadeur critiquent le peu de perspectives qu’offre la société algérienne à ses habitants et en particulier les jeunes, très touchés par le chômage. En 2007, alors que le prix du pétrole est au plus haut, la population algérienne ne profite pas des retombées de cette envolée car les recettes sont détournées. Le constat dressé sur la jeunesse algérienne est sinistre, pointant du doigt l’augmentation du phénomène « harraga », ces immigrés qui tentent de traverser la Méditerranée clandestinement. A lire: L’Algérie ne croit plus aux promesses, le monde diplomatique, février 2009
  • La corruption présente jusqu’au sommet du pouvoir est dénoncée. Ahmed Gaia Salah, chef d’Etat major, est décrit comme le général le plus corrompu. Les frères du président Bouteflika, Said et Abdallah, ne sont pas épargnés non plus. Saïd Sadi, chef du RCD, parti d’opposition, n’hésite pas à comparer Bouteflika et sa clique à Sadam Hussein en parlant de « gang de Tikrit ».
  • Les manoeuvres du clan Bouteflika pour arranger le processus électoral. Sont évoqués le troisième amendement qui a été ratifié pour permettre à Bouteflika de se représenter et la nouvelle loi électorale qui restreint l’accès aux petits partis.
  • Les divisions au sein de l’armée sur le terrorisme, entre partisans d’une politique répressive et ceux de la réconciliation et sur la situation en Algérie qui se détériore.
  • Le double discours des Américains. Très critique en coulisse des manœuvres politiques de Bouteflika, ils épargnent ce dernier en public car ils ne veulent pas se priver d’un partenaire essentiel dans la lutte contre le terrorisme. A lire : Les voeux de Washington, algeria-watch, 28/10/2003

Les protagonistes:

  • Robert Ford, ambassadeur des Etats-Unis en Algérie de 2006 à 2008, il est actuellement en poste à Damas (Syrie). Fin spécialiste du monde arabe dont il maitrise la langue, il parle aussi le Français. Il a également été chef adjoint de mission à Bahreïn de 2001 et 2006 et conseiller politique à l’ambassade des Etats-Unis en Irak de 2004 à 2006.
  • Abdallah Djaballah, leader islamiste, évincé de la tête de son parti dans des circonstances troubles. Selon l’ambassadeur, ce serait le ministère de l’intérieur qui aurait oeuvré à son éviction. Abdallah Djaballah se livre face à l’ambassadeur à un constat sincère et sans concession de la misère de son pays et de la difficulté de s’insérer dans le système politique légal en Algérie.
  • Saïd Sadi, chef du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), parti d’opposition laïc et social-démocrate [A ne pas confondre avec le parti tunisien de Ben Ali] . Très critique vis à vis du régime de Bouteflika et sur la situation sociale en Algérie. Il reproche aussi vivement à l’ambassadeur américain sa réticence à critiquer l’autoritarisme de Bouteflika en public.
  • Ahmed Benbitour, ancien premier ministre de 1999 à 2000. Devant l’ambassadeur, il dénonce l’absence de retombées pour le peuple algérien des ressources supplémentaires apportées par l’envolée des prix du baril. Il a récemment donné une interview à El Watan, déclarant que « la contagion démocratique va toucher l’Algérie« . Il a soutenu la marche du RCD samedi.
  • Leïla Aslaoui, écrivain, féministe, et ancienne ministre. Elle est très farouchement opposée aux islamistes.

N° de Référence Créé le Publié le Classification Origine
07ALGIERS1806 2007-12-19 12:12 2010-12-16 21:09 SECRET Ambassade d’Alger

VZCZCXRO5580
PP RUEHTRO
DE RUEHAS #1806/01 3531206
ZNY SSSSS ZZH
P 191206Z DEC 07
FM AMEMBASSY ALGIERS
TO RUEHC/SECSTATE WASHDC PRIORITY 5022
INFO RUEHFR/AMEMBASSY PARIS 2467
RUEHMD/AMEMBASSY MADRID 8733
RUEHRB/AMEMBASSY RABAT 2078
RUEHTU/AMEMBASSY TUNIS 6935
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RUEHBP/AMEMBASSY BAMAKO 0353
RUEHCL/AMCONSUL CASABLANCA 3182
RHMFISS/HQ USEUCOM VAIHINGEN GE
S E C R E T SECTION 01 OF 04 ALGIERS 001806

SIPDIS

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E.O. 12958: DECL: 12/17/2027
TAGS: PINS PGOV AG

OBJET: UN REGIME ALGERIEN FRAGILE ET SOUFFRANT QUI EST A LA DERIVE

2008

REF: A. ALGIERS 1704
B. ALGIERS 1618
C. ALGIERS 1237
D. ALGIERS 1658

Classifié Par: Ambassadeur Robert Ford; raisons 1.4 (b) and (d).

1. (C) RESUME: Les discussions récentes avec d’anciens officiels du gouvernement algérien, des leaders d’opposition de longue date et des journalistes dépeignent un tableau d’un régime algérien qui est fragile comme il ne l’a jamais été auparavant, miné par un manque de vision, des niveaux de corruption sans précédents et la division qui gronde au sein de la base de l’armée. Nos contacts algériens sont souvent très grincheux, mais en ce moment nous en entendons plus que les inquiétudes récurrentes à propos de l’incapacité du gouvernement algérien ou de son manque de volonté à s’attaquer aux problèmes économiques politiques, économiques et de sécurité. Les attentat à la bombe le 11 décembre à Alger [NLDR: Ce double attentat revendiqué par l’AQMI aurait tué entre 30 et 72 personnes et fait 177 blessés] , exécutés par deux hommes amnestiés sous la Charte pour la Paix et la Réconciliation Nationale [NDLR : loi d’aministie sur les crimes commis pendant la guerre civile entre les islamistes et l’Etat algérien. La charte empêche également toute poursuite judiciaire des forces de sécurité algériennes], ont déclenché de vifs débats à propos de la politique de réconciliation Bouteflika pour protéger le pays. Le débat oppose les partisans d’une stratégie offensive et nécessaire contre la menace terroriste contre ceux qui comme Bouteflika croient encore qu’une amnistie a un rôle à jouer. L’image d’un président isolé, d’un processus de réforme qui stagne et d’une approche confuse du terrorisme vient au moment où les manœuvres à l’intérieur du gouvernement pour maintenir Bouteflika pour un troisième mandant sont en pleine ébullition. Nous voyons pas d’explosion à venir. A la place, nous voyons un gouvernement à la dérive et incertain devant la voie à suivre. FIN DU RESUME

L’ETAT ALGERIEN A LA DERIVE [SHIP OF A STATE ADRIFT]
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2. (C) Le 3 décembre, le leader du parti d’opposition Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) [NLDR : A ne pas confondre avec le parti de l’ancien président tunisien Ben Ali, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique], Saïd Sadi a présenté une vue d’ensemble assez sombre du régime algérien, disant qu’il tenait vouloir conserver le contrôle du pays mais manquait de vision et de compétence. Sadi a prévenu que dans le contexte actuel de stagnation des réformes politiques et économiques, les institutions algériennes étaient en train de se ronger de l’intérieur, perdant la plupart de ses meilleurs travailleurs et fonctionnaires. L’ancien leader du parti islamiste al-Islah.

Abdallah Djaballah

Abdallah Djaballah, ancien chef du parti islamiste Al-Islah

Abdallah Djaballah, qui a été évincé de la direction du parti avec un soutien actif du ministère de l’intérieur, nous a fait remarquer que le 17 décembre le phénomène harraga (ref A), ces jeunes qui fuient dur des radeaux de fortune vers l’Europe, ne se cantonnait plus seulement désormais aux jeunes pauvres sans emploi. Dhaballah a vu des jeunes qui avaient le choix «entre mourir en mer et mourir de manière lente et progressive lente à la maison» vu les très faibles débouchés dans l’économie stagnante du pays. Sadi nous a raconté qu’il était choqué de trouver autant d’Algériens éduqués et originaires de la classe moyenne au Québec et aux Etats-Unis lors de ses derniers voyages. «Ces gens sont le future de l’Algérie», a dit Sadi.

3. (C) XXXXXXXXXXXX, nous a raconté le 17 décembre qu’en ce qui concerne la réconciliation nationale, les attentats à la bombe du 11 décembre ont fortement divisé les services de sécurité algériens, avec un nombre plus important de voix en faveur d’une politique plus dure. XXXXXXXXXXXX a dit que le régime n’avait pas de stratégie unique et précise pour combattre le terrorisme, ce qui a été prouvé par l’indécision sur la façon de traiter les amnisties de prisonniers en vue comme Hassan Hattab (ref B). Selon Sadi et XXXXXXXXXXXX, les Algériens ordinaires, qui ont déjà perdu confiance dans l’agenda des réformes politiques et économiques, perdent maintenant la foi dans la capacité du gouvernement à les protéger. Laila Aslaoui, une ancienne ministre, une activiste des droits des Femmes et écrivain, a raconté à l’ambassadeur au diner du 18 décembre que la plus grande partie de la société algérienne était démobilisée contre la menace terroriste. C’était scandaleux que le ministère de l’intérieur savait que la cour suprême était une cible et n’a rien fait pour améliorer la sécurité du bâtiment ou avertir le public, a-t-elle prétendu. Elle a été impitoyable sur les propos du ministre de l’intérieur qui avait déclaré qu’il était impossible de fournir une protection totale contre les attentats à la bombe, s’interrogeant pourquoi le gouvernement algérien ne poursuivait pas plus énergiquement en justice les individus suspectés d’actes terroristes. Le gouvernement algérien a demandé à Mme Aslaoui le 17 décembre de les aider à organiser une marche contre le terrorisme. Dans les années 1990, elle a dit qu’elle n’aurait pas hésité. Maintenant, elle remarque avec amertume qu’elle ne ferait rien pour aider le gouvernement algérien à justifier sa politique de sécurité. XXXXXXXXXXXX

Leïla Aslaoui

XXXXXXXXXXXX a raconté à l’ambassadeur le 17 décembre qu’il y a un fossé croissant entre les besoins essentiels auxquels doivent faire les Algériens ordinaires et ce qu’ils perçoivent du gouvernement en termes de salaires et de qualité de vie. Du coup, a-t-il dit, moins d’Algériens sont prêts à aider le gouvernement. D’après la sagesse populaire, a-t-il dit, si vous devez faire des affaires dans un ministère, allez-y puis partez aussitôt et restez à l’écart.

4. (C) D’un autre côté, Djaballah nous a raconté que le désenchantement répandu vis à à vis de la volonté du gouvernement de partager le pouvoir avec les islamistes a en fin de compte poussé les islamistes algériens à écouter les appels aux boycotts par son parti ainsi que les autres partis islamistes à boycotter les élections locales du 29 novembre. Ils ont compris, a-t-il dit, que la nouvelle loi électorale (ref C) [NDLR: La nouvelle loi électorale durcit les conditions d’accès aux élections pour les petits partis] a été élaborée dans le but de les marginaliser et de maintenir la coalition au pouvoir [NLDR: l’Algérie est gouverné par une coallition tri-partite appelée «l’alliance présidentielle», le Front de Libération Nationale (FLN), parti historique de l’indépendance, le Rassemblement National Démocratique (RND) plutôt de droite, et le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) qui est islamiste]. La restriction l’espace politique ne fera que renforcer l’extrémisme,a-t-il prévenu. L’ambassadeur a dit à Djaballah que les Etats-Unis étaient en faveur d’une libéralisation politique en Algérie mais que nous comprenons aussi que cela doit se faire de manière progressive. Les Etats-Unis ne veulent pas d’un retour à la violence comme dans les années 1990 et qu’ils oeuvrent avec le gouvernement algérien contre ceux qui activement cherchent [à ce que l’Algérie y retourner]. [L’ambassadeur] a salué les efforts de Djaballah pour participer au système politique légal. Le point crucial, a souligné l’ambassadeur, est que bien que l’évolution politique soit lente, elle doit être constamment dirigée vers la libéralisation. Djaballah a salué ces propos et a apprécié que l’on soulève les problèmes du processus électoral avec le gouvernement algérien.

image de Verdad'Z Blog

UN « GANG DE TIKRIT » DOMINANT
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5. (C) Commentant la stabilité du pays, XXXXXXXXXXXX a souligné que les Algériens «ont vécu bien pire que ça», et que les divisions internes ne devaient pas être considérées à tort comme une preuve d’instabilité. Le régime, a fait remarqué XXXXXXXXXXXX, fait passer la stabilité avant tout, et par conséquent, il est à la fois fragile et stable à la fois. XXXXXXXXXXXX est d’accord avec l’analogie que Sadi a fait devant nous et publiquement devant la presse, comparant le gouvernement de Bouteflika à « un gang de Tikrit» qui pointe du doigt le fait qu’un nombre disproportionné de ministres et de généraux viennent de la même région dans la province de Tlemcen à l’ouest du pays dont est originaire le président Bouteflika. (En effet, une grande partie de son entourage proche vient de la petite ville de Nedroma). La loyauté de ce gang, selon XXXXXXXXXXXX et Sadi, est essentielle pour maintenir la stabilité, comme pour Saddam Hussein en Irak. [NLDR: Saddam Hussein était un dictateur impitoyable qui a gouverné l’Irak d’une main de fer de 1979 à 2003, année où il a été renversée par l’armée américaine. Il a été pendu après avoir été reconnu coupable d’avoir organisé un massacre d’un village habité par la minorité kurde]

carte algérie

SADI: «DEFENDONS NOTRE JEUNESSE»
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6. (C) Sadi nous a mis en garde contre les dangers à long terme du silence persistant des Etats-Unis sur ce qu’il percevait comme être une détérioration de la démocratie algérienne, comme l’ont montré les élections locales. Du point de vue de Sadi, le soutien de l’extérieur est essentiel à la survie de la démocratie et à l’engagement productif de la jeunesse algérienne – 70% de la population – dans la vie politique et économique. Si les Etats-Unis sont vus comme complice d’élections de façade et de la réforme de la constitution pour autoriser Bouteflika à concourir pour un troisième mandat, a-t-il prévenu, ils risquent de perdre la jeune génération dans l’avenir.

Saïd Sadi, leader du RCD parti d'opposition

7. (C) L’ambassadeur a rappelé à Sadi nos vains efforts pour maintenir un programme du National Democratic Institute [NLDR: think-tank américain qui promeut la démocratie dans le monde] en Algérie que le ministère de l’intérieur délibérément fermé; peu de partis politiques ont insisté pour maintenir le programme. Il a fait remarqué à Sadi que nous avions entendu d’autres partis politiques demander un plus grand soutien public des Etats-Unis, et a exhorté le RCD et d’autres partis algériens de faire entendre leurs voix. Les Etats-Unis seraient crédibles à appeler à enlever les obstacles à la libéralisation seulement si les partis politiques eux mêmes s’expriment haut et fort. Etant donné l’absence de commission internationale pour surveiller les élections, l’ambassadeur a conseillé à Sadi d’envisager au plus tôt des requêtes publiques pour que des observateurs internationaux soient présents aux élections présidentielles de 2009.

LA STABILITÉ DANS LES MAINS D’UNE ARMÉE DIVISÉE…
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8. (S) Sadi, qui entretient des contacts dans l’armée algérienne et les services de sécurité nous a dit que l’armée n’était désomrmais plus unie comme elle l’avait il y a encore quelques années, a-t-il dit. Deux courants dissidents émergent, a-t-il dit. Le premier est parmi les jeunes officiers qui savent que l’Algérie ne va pas bien et accusent la vieille garde de négligence et de mauvaise gestion. Le second courant identifié par Sadi se trouve parmi les hauts officiers de l’armée, entre ceux favorable une politique plus répressive concernant la sécurité et le contre-terrorisme (les «éradicateurs» [NLDR: en français dans le texte]) et ceux encore alignés sur la politique de réconciliation nationale de Bouteflika. XXXXXXXXXXXX, dont le frère est un officier de l’armée, a dit le 17 décembre qu’il avait des colonels dans l’armée algérienne qui pensent que la dérive actuelle ne peut plus continuer. La question, murmura XXXXXXXXXXXX, est s’ils peuvent s’organiser.

9. (S) Sadi nous a parlé à la fin d’une conversation qu’il avait eu récemment avec le général Toufik Mediene, le chef du DRS (les services de renseignement militaire) [NLDR: Le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), dirigée depuis sa création en 1990 par Toufik Mediene, est régulièrement accusée d’être un organe répressif] qui est considéré par la plupart comme une figure clé de la garantie du contrôle de la population par le régime et de sa survie. Il a dit que Mediene savait que la santé de Bouteflika n’était pas terrible et celle de l’Algérie non plus. Cependant, selon Sadi, Mediene a dit qu’il avait besoin de s’assurer qu’une alternative politique «serait viable» et, par conséquent ne déstabiliserait pas le pays. Sadi a dit que beaucoup d’officiers de haut-rang commençaient à se demander s’il pouvait faire sortir complètement l’armée de la scène politique sans peur d’un châtiment public pour les abus passés durant la guerre civil.

…PENDANT QUE LA CORRUPTION ET LE PRIX DU PÉTROLE ATTEIGNENT DES SOMMETS
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10. (S) Sadi, Djaballah, XXXXXXXXXXXX et de nombreux autres contacts nous ont raconté que la corruption a atteint des niveaux sans précédent sous le régime actuel. Comme il a été rapporté dans la ref D [NDLR: câble non disponible sur wikileaks], le parti au pouvoir, le FLN, est résolu à labourer le terrain pour un troisième mandat de Bouteflika, a cherché à installer des fonctionnaires locaux dans les tractations électorales fondées sur la loyauté au dépens même des compétences.

Ahmed Benbitour

Ahmed Benbitour

Avec des prix du pétrole record, l’ancien ministre des finances et premier ministre Benbitour [NLDR : premier ministre de décembre 1999 à Août 2000]a raconté à l’ambassadeur en novembre, qu’il y avait moins d’intérêt pour le régime à mettre en place ces réformes plus que nécessaires. Les prix élevés du pétrole rapportent des revenus incroyables au pays, nous a dit Benbitour, mais les gens ordinaires n’en voient aucune retombée sur leur vie quotidienne. (En effet, Benbitour a publiquement repris une expression que nous voyons souvent dans les médias maintenant: l’Algérie est riche, mais les gens sont pauvres. Le leader islamiste Djaballah a repris aussi cette expression devant nous le 17 décembre).

suicide en algérie

L'Algérie est riche mais les Algériens sont pauvres

La corruption, selon XXXXXXXXXXXX, a atteint des proportions hallucinantes, même à l’intérieur de l’armée. Il a cité le lieutenant général Ahmad Gaid Salah, chef d’Etat major, comme peut être l’officiel le plus corrompu de l’appareil militaire, fait confirmé par d’autres contacts. Quand Sadi a évoqué le problème de la corruption au General Mediene, a dit Sadi, Mediene connaissait le problème. Montrant silencieusement le portrait de Bouteflika accroché au-dessus de leur tête, il a dit à Sadi que la corruption était répandue jusque dans les plus hautes instances du gouvernement. (Commentaire : beaucoup de contacts de l’ambassade pensent que le président Bouteflika lui même n’est pas particulièrement corrompu, mais ils montrent du doigt sans hésiter les frères du président, Said et Abdallah, comme étant particulièrement avides. L’armée algérienne a entre-temps lancé un programme anti-corruption qui est ambitieux par rapport aux normes algériennes mais qui a laissé le sommet du pouvoir relativement indemne. Fin du commentaire)

COMMENTAIRE: UN RÉGIME SOUFFRANT, UN PRÉSIDENT SOUFFRANT
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11. (S) Nos contacts algériens sont souvent très grincheux, mais en ce moment nous en entendons plus que les inquiétudes récurrentes à propos de l’incapacité du gouvernement algérien ou de son manque de volonté à s’attaquer aux problèmes économiques politiques, économiques et de sécurité. Les attentat à la bombe le 11 décembre à Alger [NLDR: Ce double attentat revendiqué par l’AQMI aurait tué entre 30 et 72 personnes et fait 177 blessés] , exécutés par deux hommes amnestiés sous la Charte pour la Paix et la Réconciliation Nationale [NDLR : loi d’administie sur les crimes commis pendant la guerre civile entre les islamistes et l’Etat algérien. La charte empêche également toute poursuite judiciaire des forces de sécurité algériennes], ont déclenché de vifs débats à propos de la politique de réconciliation Bouteflika pour protéger le pays. Les attentats à la bombe et les débats sur comment endiguer l’extrémisme islamiste commencent à nous rappeler les violentes disputes dans la société algérienne pendant le pic de violence des années 1990. Ces contacts sont d’accords que bien que les années 1990 ont montré que la plupart des Algériens peuvent supporter une douleur très grande, les attentats à la bombe du 11 décembre ont mis à nu le manque de vision et de compétence du régime à gérer ces pressions. Nous commençons à entendre des échos d’un débat à l’intérieur de quelques cercles de l’établissement militaire d’un débat de plus en plus clivé sur la réconciliation nationale qui a débouché sur la question de la viabilité du gouvernement de Bouteflika lui-même.
Selon nos contacts, la stabilité reste la première priorité même parmi les officiels de bords opposés sur ce débat, bien qu’ils voient la stabilité ne réside pas dans la capacité de Bouteflika à diriger le pays mais dans un appareil militaire qui semble réaliser que leur en incombe la responsabilité de maintenir le régime. Le nouvel élément est l’insistance du premier ministre Belkhadem et de l’appareil du FLN, probablement sous l’impulsion des frères de Bouteflika si ce n’est la président Bouteflika lui même, de convenir d’un amendement constitutionnel et d’un troisième mandat. Sadi, un médecin, a dit que Bouteflika et l’Algérie elle-même étaient dans une situation critique et qu’ils dépérissaient. Selon Sadi (qui pourrait ou ne pourrait pas savoir), Bouteflika est en phase terminale d’un cancer de l’estomac, et le régime ment sur la table d’opération, s’avançant peu à peu vers un point de non retour se comportant comme des «chirurgiens non entrainés». En attendant, le gouvernement semble incapable de redynamiser l’économie stagnante et les Algériens, en particulier les jeunes, qui sont moroses et sans espoir sur le destin de leur pays à la dérive pour cette nouvelle année.

FORD

Ce câble diplomatique date de 2010, et l’affaire de la corruption des fonctionnaires de Sonatrach remonte à janvier 2010.

Tout d’abord, on apprend que la plupart des hauts fonctionnaires de cette entreprise pétrolière publique ont été mis en examen pour divers actes de corruption (d’autres cas de corruption au sein de Sonatrach ont été avérés par la suite).

Puis le câble nous amène à généraliser la situation : la corruption sévit dans la plupart des ministères et des entreprises publiques en Algérie, et ce surtout aux plus hauts niveaux.Le classement de l’indice de la perception de la corruption en 2010, réalisé par Transparence Internationale, attribue la 105 ième place a l’Algérie, sur 178. Pour comparaison, la France est 25 ieme et la Tunisie 59 ième.

On se rend compte que, comme en Tunisie, les hauts dirigeants ont un lien avec le Président Bouteflika ou sa famille, et les politiciens sont souvent étroitement liés aux industriels. Par exemple, l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines (Chakib Khelil) a travaillé à Sonatrach avant de devenir ministre. Il a également grandi dans le même village que le père de Bouteflika, l’actuel Président de l’Algérie.

Enfin, le câble permet de s’interroger sur la motivation des récentes campagnes anti-corruption à l’origine de la révélation de ce scandale (entre autres). Globalement, il y a deux options :

  1. Bouteflika s’est bel et bien lancé dans cette campagne qu’il avait annoncé depuis longtemps, la corruption en Algérie n’étonnant plus personne vu son ampleur mais empoisonnant l’économie du pays.
  2. Le service de renseignements de l’armée (qui est indépendant de Bouteflika), qui c’est un fait est à l’origine de cette campagne anti-corruption, essaie d’embarrasser le Président pour récupérer le pouvoir et déstabiliser l’autorité civile mise en place par Bouteflika à l’occasion de son second mandat. Cette hypothèse semble privilégiée par la majorité des algériens, analystes et diplomates même si elle est difficilement prouvable, étant donné l’habituelle discrétion des services de renseignements algériens.

Les protagonistes concernés :

  • Bouteflika, Président de la République algérienne démocratique et populaire depuis 1999.
  • Chakib Khelil, Ministre de l’Energie et des Mines de 1999 au 28 mai 2010, également président de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) en 2008. A noter qu’il a travaillé pour Sonatrach de 1970 à 1980.
  • Réda Hemche, ancien chef de cabinet du PDG Meziane de Sonatrach, cousin du Ministre Chakib Khelil et désormais réfugié en Suisse. Tout comme Khelil et Ould Kaddour (ex-patron de la BRC dont on parlera dans ce câble), il est originaire du même petit village que le père de Bouteflika.
  • Sonatrach, entreprise publique algérienne de l’industrie pétrolière au cœur du scandale traité par ce câble.
  • Anadarko, compagnie pétrolière américaine.
  • DRS, ou Département du Renseignement et de la Sécurité, est le service de renseignements algérien.
  • Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach de septembre 2003 à janvier 2010, où il fut suspendu de ses fonctions et placé sous contrôle judiciaire (ce qui n’est pas précisé dans ce lien qui fait partie du site de Sonatrach)
  • Abdelhafid Feghouli, qui fut PDG de Sonatrach par intérim après la suspention des fonctions de Meziane, choisi puisqu’aucun soupçon ne pesait réellement sur lui à ce moment. Mais le 20 décembre 2010 (soit 11 mois plus tard), Feghouli est placé sous mandat de dépôt pour une affaire de corruption concernant un contrat de 10 millions de dollars passé entre Sonatrach et Safir.
  • Poloff Peter Kujawinski, qui a travaillé pour le Département d’État des Affaires Etrangères et actuellement affecté à l’Organisation des Nations-Unis (on le retrouve dans un certain nombre de câbles diplomatiques).
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10ALGIERS111 2010-02-08 16:04 2010-12-16 21:09 CONFIDENTIEL//NOFORN Ambassade d’Alger

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SUJET : ALGÉRIE : ENQUETE SUR LA CORRUPTION DE DIRECTEURS DE LA COMPAGNIE PÉTROLIERE NATIONALE

Classifié par : l’ambassadeur David D. Pearce. Raisons : 1.4(b), (d)

RÉSUMÉ

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1. (C/NF) Huit directeurs de la compagnie pétrolière nationale algérienne Sonatrach, incluant le Directeur Général, sont sous une enquête de corruption et ont été licenciés et remplacés. Les initiés de l’industrie ont peur que les opérations de la compagnie ne soient bientôt affectées. Les services de renseignement algériens mènent l’enquête. Ce scandale est le dernier d’une série spectaculaire d’investigations et de poursuites que nous avons observé depuis un an, impliquant des ministres du gouvernement algérien et des entreprises publiques. Significativement, la plupart des ministères concernés sont dirigés par des ministres considérés comme proches du Président algérien Bouteflika, dont le ministre de l’Energie/Mines Chakib Khelil. Les spéculations vont bon train à propos du fait que les querelles intestines entre les dirigeants civils et militaires seraient derrière cette affaire, mais nous n’avons pas de preuve tangible. Le silence déterminé de Bouteflika ne fait qu’alimenter l’incertitude. Fin du résumé.

Huit hauts fonctionnaires impliqués

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¶ 2. (U) Un scandale de corruption a éclaté, impliquant la plus grande entreprise d’Algérie, la compagnie d’État ayant le monopole sur le pétrole et le gaz, Sonatrach. Les premiers rapports de presse relatent que le 14 janvier un juge d’instruction a ordonné au PDG de Sonatrach Mohamed Meziane, au vice-président des pipelines Benamar Zenasni, au vice-président des activités en amont Boumediene Belkacem, et cinq autres cadres de la compagnie de répondre à des questions concernant des allégations d’irrégularités dans l’attribution de contrats à deux entreprises de consultation appartenant aux fils de Meziane et un fournisseur d’équipement de sécurité. Ils ont été interrogés pendant vingt heures.

3. (U) Les huit fonctionnaires de Sonatrach ont été mis en examen (« contrôle judiciaire » qui oblige une personne à faire un rapport périodiquement à la police et à ne pas quitter le pays). Certains ont été détenus. Meziane lui-même a été placé sous contrôle judiciaire ; deux vice-présidents ont été détenus dans la prison de Serkadji. Un autre haut fonctionnaire de Sonatrach, le vice-président pour la commercialisation Chawki Rahal, a été placé sous contrôle judiciaire. Quatre directeurs de Sonatrach (pour les affaires sociales, l’exploration, les pipelines et le transport, et la commercialisation) ont été placé sous contrôle judiciaire. Les deux fils de Meziane sont détenus – certains disent pour avoir été les actionnaires majoritaires des compagnies auxquelles la Sonatrach attribuait des contrats. Tous les efforts déployés par les avocats de la défense pour lever les détentions et les contrôles judiciaires ont été rejetés. En dehors de la Sonatrach, l’ancien Directeur Général de la banque du Crédit Populaire d’Algérie Hachemi Mehaoui et son fils ont été mis en détention.

4. (U) Abdelhafid Feghouli, vice-président des opérations en aval, a été immédiatement nommé Directeur Général de Sonatrach [NDLR : presque un an plus tard, Feghouli est sous mandat de dépôt pour corruption au sein de Sonatrach]. Les trois autres vice-présidents sous suspicion ont été remplacés. Le ministre de l’Energie/Mines Chakib Khelil, dont le ministère est responsable de Sonatrach, a affirmé lors d’une conférence de presse le 17 janvier que l’enquête l’avait pris au dépourvu et que tout ce qu’il savait était ce qui avait été rapporté par la presse. Depuis, il a refusé de discuter des allégations ou de prendre la responsabilité de l’affaire, disant le 2 février qu’il n’avait pas les détails des accusations et qu’il ne démissionnerait pas. Khelil a plaidé qu’il était responsable du secteur entier de l’énergie mais pas de la gestion de Sonatrach ou une autre des 50 compagnies d’énergie de l’Etat relevant du mandat de son ministère. Il a assuré à la presse peu après que l’affaire eut éclaté que la production de Sonatrach ne serait pas affectée et que la compagnie continuerait de mener à bien tous les projets en cours. Dans la semaine du 24 janvier, la presse a rapportée que les avocats de Sonatrach ne défendraient pas les suspects, puisque Sonatrach était la victime des fraudes qu’on les suspectait d’avoir commis.

Les producteurs étrangers inquiets

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¶ 5. (C/NF) L’ambassadeur a rencontré le 27 Janvier XXXXXXXXX. La source de Meziane XXXXXXXXX lui a dit que la question à l’étude était l’attribution de contrats de Sonatrach à un fournisseur unique. Les réglements de Sonatrach spécifient des conditions strictes pour ce type de contrat (« procédure R-115). Seul le Directeur Général Meziane aurait eu le pouvoir de les autoriser et de les approuver.

6. (C/NF) XXXXXXXXX a entendu dire que 1600 contrats étaient sous enquête. Certains de ces contrats seraient passés par les fils de Meziane. Quelques années auparavant, Sonatrach avait pressé Anadarko d’entrer dans un tel contrat avec conjointement les États-Unis et la coentreprise algérienne BRC (Brown and Root-Condor) pour développer le champ pétrolier d’el-Merk. XXXXXXXXX, le contrat ne fut jamais réalisé, BRC fut liquidée, et en 2008 Sonatrach a donné le contrat el-Merk à Anadarko. XXXXXXXXX a déclaré que ce contrat ne faisait pas partie de ceux qui sont soumis à l’enquête. (Commentaire : BRC, cependant, figure dans la liste des enquêtes en cours citées dans la presse. Fin du commentaire).

7. (C/NF) XXXXXXXXX a noté qu’Abdelhafid Ferghouli, ancien vice-président pour les opérations en aval et maintenant Directeur Général par intérim, est le (désormais ex-) vice-président de Sonatrach qu’Anadarko ne connaissait pas. XXXXXXXXX doutait qu’il allait rester longtemps à la position la plus élevée. Personne ne s’attend à ce que les fonctionnaires de Sonatrach sous enquête ne retournent à leurs postes antérieurs.

Continuité des opérations de Sonatrach

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Chakib Khelil

¶ 8. (C/NF) L’affirmation du ministre de l’Énergie/Mines Khelil le 17 janvier que les opérations de la compagnie ne seraient pas affectées n’est pas restée incontestée. Plusieurs rapports de presse provenant d’initiés et d’experts industriels disent que la peur a paralysé les rangs supérieurs de Sonatrach, qui ont tous peur de prendre une décision. XXXXXXXXX a confirmé cette évaluation, et nous avons entendu des points de vue similaires chez les français – très préoccupés par Sonatrach puisque la compagnie pétrolière française Total est exposée ici—et d’autres diplomates. Il a dit que tous les hauts fonctionnaires, au moins au niveau des opérations en amont avec lequel il est familier, regardent derrière leurs épaules et ont peur de prendre des décisions ou de signer quoique ce soit. La compagnie ne voulait pas signer les avenants aux contrats d’assurance sur la production pétrolière XXXXXXXXX rendus nécessaires depuis les modifications du budget de 2009 (Loi des Finances Complémentaires) – contrats dont l’ancien vice-président des opérations en amont Belkacem était responsable. Sonatrach avait contacté des compagnies d’assurance étrangères pour fournir cette assurance. Maintenant, ces compagnies n’ont toujours pas été payées. Elles cesseraient d’assurer les opérations de production XXXXXXXXX pour longtemps. Si cela se produisait, le travail s’arrêterait. XXXXXXXXX a dit que les champs XXXXXXXXX constituent le plus grand projet en amont avec une participation étrangère en Algérie.

Le rôle principal des services de renseignement d’Algérie

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9. (C) Tous les documents rapportent que l’équivalent algérien de la DNI [Director of National Intelligence], le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) , qui ne fait plus partie du Ministère de la Défense Nationale, a mené l’enquête. Même si la sortie du DRS hors de l’ombre et sous les feux des projecteurs est sans-précédents, son service spécial d’investigation des corruptions internes a été actif pendant des années (i.e., même aussi loin que l’ère Boumédiène [NDLR : Houari Boumédiène, président de la République algérienne démocratique et populaire de 1965 à 1978]). Le magazine « Jeune Afrique » a récemment affirmé, par exemple, que le DRS a enquêté sur 1650 élus locaux algériens (soit environ un sur dix) depuis 2002 pour corruption. XXXXXXXXX était très conscient de l’implication du DRS dans l’affaire Sonatrach et les affaires annexes, et a relaté que l’ancien vice-président Belkacem, au cours de plusieurs réunions avec XXXXXXXXX, a été extrêmement prudent dans ce qu’il disait lorsque d’autres, même du personnel de la compagnie, étaient présents. Il était très surveillé sur le téléphone. XXXXXXXXX a imputé ce comportement à l’inquiétude suscitée par la surveillance du DRS. XXXXXXXXX a confié que le DRS a interrogé beaucoup de membres du personnel local de la société XXXXXXXXX.

Ramifications politiques

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¶ 10. (C/NF) XXXXXXXXX a noté que personne ne croit le ministre de l’Énergie/Mines Khelil lorsqu’il clame ne rien savoir à propos de l’enquête. La plupart croient que Khelil a guidé les opérations de Sonatrach. XXXXXXXXX a noté que ses conversations avec des initiés industriels l’ont mené à un cousin du ministre connu seulement comme Hemche, qui était un conseiller proche de l’ancien Directeur Général Meziane. Ses sources pensent que Hemche était un décideur clé, même si Meziane a réalisé les signatures. Début décembre dernier, Hemche a soudainement pris sa retraite et s’est retiré dans une résidence à Lugano, en Suisse.

11. (C) L’ambassadeur a noté qu’Alger est bouillonnante de spéculations à propos du contexte politique de ce scandale et d’autres affectant plusieurs ministères et entreprises publiques. Certains ont cru qu’il s’agissait d’une conséquence logique de l’engagement maintes fois exprimé par le Président Bouteflika de s’attaquer à la corruption. La plupart, cependant, interprètent l’action du DRS contre les hauts fonctionnaires de Sonatrach – qui doivent tous leurs emplois à Bouteflika – comme les représailles militaires via le DRS contre le contrôle civil que Bouteflika a imposé depuis sa réélection pour un second mandat en 2004.

Commentaire

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12. (C) Les enquêtes contre les dirigeants des sociétés qui financent plus de la moitié du budget du pays et produisent 98% de ses recettes d’exportation ont choqué le pays et généré des spéculations rampantes sur les motivations politiques sous-jacentes. Dans un pays où les relations de pouvoir et les processus sont opaques, la spéculation est un tissu aussi dur que la preuve est rare. Un analyste de visite d’une entreprise américaine de premier plan d’analyse des risques a dit à Poloff la semaine du 31 janvier, par exemple, que tous ses contacts croient que le DRS a formé cette enquête pour envoyer un message à Bouteflika, soit pour qu’il donne aux proches des généraux principaux une plus grande part du gâteau économique, ou pour que le « clan » des Algériens de l’Ouest de Bouteflika cède le pouvoir aux militaires (que beaucoup considèrent dominés par des Algériens de l’Est),  ou simplement pour que l’autorité civile dominante redonne de l’influence derrière les coulisses aux militaires. En dépit de ces théories et d’autres que nous avons entendus, nous ne disposons pas de preuves formelles pour une quelconque interprétation politique particulière. Ce qui est certain c’est que les infractions reprochées dans cette affaire de corruption peuvent ne représenter seulement que la pointe de l’iceberg – ce qui est précisément le point d’une lettre ouverte publiée à l’intention du DRS par un ancien vice-président de Sonatrach le 30 janvier dans le quotidien français « El Watan ». Cet article a exhorté le DRS de se pencher sur une liste d’opérations de Sonatrach bien plus grande, incluant les ventes sur le marché à une poignée de clients reliés aux plus hauts membres de la structure du pouvoir [de Sonatrach]. La source américaine des analyses de risques était certaine que la DRS a utilisé cet article comme un nouvel avertissement pour l’autorité civile.

Abdelaziz Bouteflika

¶13. (C) Ce cas est le dernier d’une série d’enquêtes sur la corruption, qui ont commencé à faire surface avec une fréquence croissante depuis le printemps dernier et qui est maintenant en compétition avec l’indignation des mesures de la TSA et l’échec de l’Algérie pour gagner la Coupe d’Afrique de football pour les titres de la presse quotidienne. Deux autres grands cas en cours présument des actes répréhensibles, dans la construction de l’autoroute Est-Ouest et dans l’attribution de licences de pêche à des entreprises turques.  D’autres impliquent l’opérateur de téléphone Algérie Telecom contrôlé par l’État, BRC (mentionné précédemment), et la Banque Nationale d’Algérie. Peu de cas ont conduit actuellement à un procès ou une condamnation, durcissant l’opinion largement répandue que les principaux responsables politiques continuent de s’enrichir sur les fonds publics en toute impunité. Avec la présence supposée des « commissaires » du DRS dans pratiquement toutes les entreprises publiques ou ministères, les hauts fonctionnaires sont dit inquiets que chaque visiteur, en particulier non-Algérien, soit dûment constaté et signalé. Les fichiers du DRS, déjà gonflés par des décennies de saletés financières et politiques sur à peu près tous les Algériens notoires, sont dit grandissant avec des informations sur des relations d’affaires suspectes ou d’allégations de faveurs spéciales. La grande question à laquelle personne ne peut répondre définitivement est de savoir si Bouteflika orchestre cette campagne éclair anti-corruption, comme l’a clamé publiquement Ouyahia, ou s’il s’agit de son objectif ultime. Son silence, a noté la presse, n’a fait qu’alimenter les spéculations. PEARCE

 

10ALGIERS111 ALGÉRIE : ENQUETE SUR LA CORRUPTION DE DIRECTEURS DE LA COMPAGNIE PÉTROLIERE NATIONALE


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Classifié par : l’ambassadeur David D. Pearce. Raisons : 1.4(b), (d)

RÉSUMÉ

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1. (C/NF) Huit directeurs de la compagnie pétrolière nationale algérienne Sonatrach, incluant le Directeur Général, sont sous une enquête de corruption et ont été licenciés et remplacés. Les initiés de l’industrie ont peurs que les opérations de la compagnie ne soient bientôt affectées. Les services de renseignement algériens mènent l’enquête. Ce scandale est le dernier d’une série spectaculaire d’investigations et de poursuites que nous avons observé depuis un an, impliquant des ministres du gouvernement algérien et des entreprises publiques. Significativement, la plupart des ministères concernés sont dirigés par des ministres considérés comme proches du Président algérien Bouteflika, dont le ministre de l’Energie/Mines Chekib Khelil. Les spéculations vont bon train à propos du fait que les querelles intestines entre les dirigeants civils et militaires seraient derrière cette affaire, mais nous n’avons pas de preuve tangible. Le silence déterminé de Bouteflika ne fait qu’alimenter l’incertitude. Fin du résumé.

HUIT HAUTS FONCTIONNAIRES IMPLIQUÉS

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2. (U) Un scandale de corruption a éclaté, impliquant la plus grande entreprise d’Algérie, la compagnie d’État ayant le monopole sur le pétrole et le gaz, Sonatrach. Les premiers rapports de presse relatent que le 14 Janvier un juge d’instruction a ordonné au PDG de Sonatrach Mohamed Meziane, au vice-président des pipelines Benamar Zenasni, au vice-président des activités en amont Boumediene Belkacem, et cinq autres cadres de la compagnie de répondre à des questions concernant des allégations d’irrégularités dans l’attribution de contrats à deux entreprises de consultation appartenant aux fils de Meziane et un fournisseur d’équipement de sécurité. Ils ont été interrogés pendant vingt heures.

3. (U) Les huit fonctionnaires de Sonatrach ont été mis en examen (« contrôle judiciaire » qui oblige une personne à faire un rapport périodiquement à la police et à ne pas quitter le pays). Certains ont été détenus. Meziane lui-même a été placé sous contrôle judiciaire ; les deux vice-présidents de ont été détenus dans la prison de Serkadji. Un autre haut fonctionnaire de Sonatrach, vice-président pour la commercialisation Chawki Rahal, a été placé sous contrôle judiciaire. Quatre directeurs de Sonatrach (pour les affaires sociales, l’exploration, les pipelines et le transport, et la commercialisation) ont été placé sous contrôle judiciaire. Les deux fils de Meziane sont détenus – certains disent que c’est pour être les actionnaires majoritaires des compagnies auxquelles la Sonatrach attribuait des contrats. Tous les efforts déployés par les avocats de la défense pour lever les détentions et les contrôles judiciaires ont été rejetés. En dehors de la Sonatrach, l’ancien Directeur Général de la banque du Crédit Populaire d’Algérie Hachemi Mehaoui et son fils ont été mis en détention.

4. (U) Abdelhafid Feghouli, vice-président des opérations en aval, a été immédiatement nommé Directeur Général de Sonatrach. Les trois autres vice-présidents sous suspicion ont été remplacés. Le ministre de l’Energie/Mines Dr Chakib Khelil, dont le ministère est responsable de Sonatrach, a affirmé lors d’une conférence de presse le 17 Janvier que l’enquête l’avait pris au dépourvu et que tout ce qu’il savait était ce qui avait été rapporté par la presse. Depuis, il a refusé de discuter des allégations ou de prendre la responsabilité de l’affaire, disant le 2 Février qu’il n’avait pas les détails des accusations et qu’il ne démissionnerait pas. Khelil a plaidé qu’il était responsable du secteur entier de l’énergie mais pas de la gestion de Sonatrach ou une autre des 50 compagnies d’énergie de l’Etat relevant du mandat de son ministère. Il a assuré la presse peu après que l’affaire eut éclaté que la production de Sonatrach ne serait pas affectée et que la compagnie continuerait de mener à bien tous les projets en cours. Dans la semaine du 24 Janvier, la presse a rapportée que les avocats de Sonatrach ne défendraient pas les suspects, puisque Sonatrach était la victime des fraudes qu’on les suspectait d’avoir commis.

Les producteurs étrangers inquiets

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5. (C/NF) L’ambassadeur a rencontré le 27 Janvier XXXXXXXXX. La source de Meziane XXXXXXXXX lui a dit que la question à l’étude était l’attribution de contrats de Sonatrach à un fournisseur unique. Les réglements de Sonatrach spécifient des conditions strictes pour ce type de contrat (« procédure R-115). Seul le Directeur Général Meziane aurait eu le pouvoir de les autoriser et de les approuver.

6. (C/NF) XXXXXXXXX a entendu dire que 1600 contrats étaient sous enquête. Certains de ces contrats seraient passés par les fils de Meziane. Quelques années auparavant, Sonatrach avait pressé Anadarko d’entrer dans un tel contrat avec conjointement les États-Unis et la coentreprise algérienne BRC (Brown and Root-Condor) pour développer le champ pétrolier d’el-Merk. XXXXXXXXX, le contrat ne fut jamais réalisé, BRC a été liquidée, et en 2008 Sonatrach a donné le contrat el-Merk à Anadarko. XXXXXXXXX a déclaré que ce contrat ne fait pas partie de ceux qui sont soumis à l’enquête. (Commentaire : BRC, cependant, figure dans la liste des enquêtes en cours citées dans la presse. Fin du commentaire).

7. (C/NF) XXXXXXXXX a noté qu’Abdelhafid Ferghouli, ancien vice-président pour les opérations en aval et maintenant Directeur Général par intérim, est le (désormais ex-) vice-président de Sonatrach qu’Anadarko ne connaissait pas. XXXXXXXXX doutait qu’il allait rester longtemps à la position la plus élevée. Personne ne s’attend à ce que les fonctionnaires de Sonatrach sous enquête ne retournent à leurs postes antérieurs.

Continuité des opérations de Sonatrach

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8. (C/NF) L’affirmation du ministre de l’Énergie/Mines Kheli le 17 janvier que les opérations de la compagnie ne seraient pas affectées n’est pas restée incontestée. Plusieurs rapports de presse provenant d’initiés et d’experts industriels disent que la peur a paralysé les rangs supérieurs de Sonatrach, qui ont tous peur de prendre une décision. XXXXXXXXX a confirmé cette évaluation, et nous avons entendu des points de vue similaires chez les français – très préoccupés par Sonatrach puisque la compagnie pétrolière française Total est exposée ici—et d’autres diplomates. Il a dit que tous les hauts fonctionnaires, au moins au niveau de la fin des opérations en amont avec lequel il est familier, regardent derrière leurs épaules et ont peur de prendre des décisions ou de signer quoique ce soit. La compagnie ne voulait pas signer les avenants aux contrats d’assurance sur la production pétrolière XXXXXXXXX rendu nécessaires depuis les modifications du budget de 2009 (Loi des Finances Complémentaires) – contrats dont l’ancien vice-président des opérations en amont Belkacem était responsable. Sonatrach avait contacté des compagnies d’assurance étrangères pour fournir cette assurance. Maintenant, ces compagnies n’ont toujours pas été payées. Elles cesseraient d’assurer les opérations de production XXXXXXXXX pour longtemps. Si cela se produisait, le travail s’arrêterait. XXXXXXXXX a dit que les champs XXXXXXXXX constituent le plus grand projet en amont avec une participation étrangère en Algérie.

Le rôle principal des services de renseignement d’Algérie

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9. (C) Tous les documents rapportent que l’équivalent algérien de la DNI, le Departement du Renseignement et de la Sécurité (DRS) [NDLR : en français dans le texte], qui ne fait plus partie du Ministère de la Défense Nationale, a mené l’enquête. Même si la sortie du DRS hors de l’ombre et sous les feux des projecteurs est sans-précédents, son service spécial d’investigation des corruptions internes a été actif pendant des années (i.e., même aussi loin que l’ère Boumedienne). Le magazine « Jeune Afrique » [NDLR : en français dans le texte] a récemment affirmé, par exemple, que le DRS a enquêté sur 1650 élus locaux algériens (soit environ un sur dix) depuis 2002 pour corruption. XXXXXXXXX était très conscient de l’implication du DRS dans l’affaire Sonatrach et les affaires annexes, et a relaté que l’ancien vice-président Belkacem, au cours de plusieurs réunions avec XXXXXXXXX, a été extrêmement prudent dans ce qu’il disait lorsque d’autres, même du personnel de la compagnie, étaient présents. Il était très surveillé sur le téléphone. XXXXXXXXX a imputé ce comportement à l’inquiétude suscitée par la surveillance du DRS. XXXXXXXXX a confié que le DRS a interrogé beaucoup de membres du personnel local de la société XXXXXXXXX.

Ramifications politiques

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10. (C/NF) XXXXXXXXX a noté que personne ne croit le ministre de l’Énergie/Mines Khelil lorsqu’il clame ne rien savoir à propos de l’enquête. La plupart croient que Khelil a guidé les opérations de Sonatrach. XXXXXXXXX a noté que ses conversations avec des initiés industriels l’ont mené à un cousin du ministre connu seulement comme Hemche, qui était un conseiller proche de l’ancien Directeur Général Meziane. Ses sources pensent que Hemche était un décideur clé, même si Meziane a réalisé les signatures. Début décembre dernier, Hemche a soudainement pris sa retraite et s’est retiré dans une résidence à Lugano, Suisse.

11. (C) L’ambassadeur a noté qu’Alger est bouillonnante de spéculations à propos du contexte politique de ce scandale et d’autres affectant plusieurs ministères et entreprises publiques. Certains ont cru qu’il s’agissait d’une conséquence logique de l’engagement maintes fois exprimé par le Président Bouteflika de s’attaquer à la corruption. La plupart, cependant, interprètent l’action du DRS contre les hauts fonctionnaires de Sonatrach – qui doivent tous leurs emplois à Bouteflika — !!!!!!! – comme les représailles militaires via le DRS contre le contrôle civil que Bouteflika a imposé depuis sa réélection pour un second mandat en 2004.

Commentaire

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12. (C) Les enquêtes contre les dirigeants des sociétés qui financent plus de la moitié du budget du pays et produisent 98% de ses recettes d’exportation ont choqué le pays et généré des spéculations rampantes sur les motivations politiques sous-jacentes. Dans un pays où les relations de pouvoir et les processus sont opaques, la spéculation est un tissu aussi dur que la preuve est rare. Un analyste de visite d’une entreprise américaine de premier plan d’analyse des risques a dit à Poloff la semaine du 31 janvier, par exemple, que tous ses contacts croient que le DRS a formé cette enquête pour envoyer un message à Bouteflika, soit pour qu’il donne aux proches des généraux principaux une plus grande part du gâteau économique, ou pour que le « clan » des Algériens de l’Ouest de Bouteflika cède le pouvoir aux militaires (que beaucoup considèrent dominés par des Algériens de l’Est),  ou simplement pour que l’autorité civile dominante redonne de l’influence derrière les coulisses aux militaires. En dépit de ces théories et d’autres que nous avons entendus, nous ne disposons pas de preuves formelles pour une quelconque interprétation politique particulière.