Le gouvernement algérien a annoncé qu’il supprimerait l’état d’urgence dans les jours qui viennent, information que tous les médias ont repris bêtement en boucle sans réfléchir. En effet, cela fait depuis le début du mois de février que la suppression de l’état d’urgence dans « un avenir proche » est annoncé. Le futur proche ne cesse de se rallonger et la répression des mouvements d’oppositions en faveur des droits civiques continuent. Avant-hier, une manifestations d’étudiants devant le ministère de l’intérieur a été violemment réprimée.
manfestation d'étudiants devant le ministère de l'enseignement supérieur à Alger le 21/02, qui a été violemment réprimée. Photo des envoyés spéciaux algériens
Bien sur l’Algérie n’est pas la Libye, on se permet au mieux que l’individu soit hospitalisé, mais il ne faut pas qu’il meurt, ce serait trop voyant et on pourrait s’indigner dans la communauté internationale. La répression algérienne est moins violente qu’en Tunisie, en Egypte ou en Libye mais elle est plus sournoise. Le gouvernement fait semblant de faire des concessions pour satisfaire la communauté internationale, mais en réalité, il ne fait que mieux réprimer le mouvement de contestation qui gronde dans le pays. Les 300 opposants arrêtés le 12 février ont été relâchés dans les jours qui suivent, mais cela ne signifie pas pour eux la fin des ennuis, bien au contraire. Certains sont poursuivis simplement pour avoir pris des images des manifestations, le témoignage d’un ancien contact de l’opération leakspin est assez éloquent:
salut moi aussi je suis dans la merde je ne pe pas t’ajouté je suis fliqué ils mon arrété lundi soir j’ai passé un sale quart d’heur et je serai présenté inssessament au procureur pour avoir filmé des émeute le méme jour j’ai filmé les CRS et leur camion anti émeute le fameux moustache [NLDR: orthographe restitué à l’identique]
Aujourd’hui, ce contact a préféré coupé les liens pour préserver sa sécurité. Nous sommes sans nouvelles de lui. Je n’ai pas trouvé de chiffres sur les poursuites entamées par la justice algérienne mais je pense que cela ne doit pas être négligeable.
Il semble que cette stratégie d’usure du gouvernement algérien porte ses fruits. Bien que le mouvement étudiant continue, les échecs des manifestations des deux derniers samedis se font lourdement ressentir sur le moral des opposants. La Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD) qui fédérait une grande partie de l’opposition toutes tendances politiques confondues, vient de se scinder en deux (lire l’article d’el watan à ce sujet). Face à un pouvoir autoritaire unie, l’opposition démocrate est divisée et affaiblie. Seul le mouvement étudiant semble encore tenir bon avec des universités qui restent mobilisées comme aujourd’hui à l’université de Bouzereah.
manifestation le 23 février à l'université de Bouzereah à Alger
Au final, les violations des droits de l’Homme en Algérie sont ignorées tandis que les regards sont tournés vers la Libye. Les gouvernements européens qui n’auront cessé de faire preuve de lâcheté pendant les révolutions arabes par leur tiédeur voir même leur complicité comme dans le cas de la France. Une fois de plus Paris s’illustre par son soutien à un régime autoritaire. Raffarin, ancien premier ministre français, envoyé par le président Sarkozy pour aller discuter Bouteflika, a dit sur Europe 1 avoir parlé d’économie mais visiblement, il n’a pas parlé de Droits de l’Homme:
Raffarin veut parler de choses concrètes, soit. Donc parlons de choses concrètes. L’Algérie est classée 109e au classement des pays les moins corrompus par Transparency international. La corruption est un frein évident au développement car l’argent public est détourné de son but initial, l’investissement dans des infrastructures publiques, pour aller dans la poche des dirigeants qui le plus souvent vont dépenser les sommes volées au peuple dans des produits de luxe ou de l’immobilier à l’étranger. Pas besoin d’avoir un doctorat en économie d’harvard pour comprendre que l’argent qui fuit à l’étranger n’ira pas alimenter le développement algérien. La corruption du système algérien est entretenue par un système autoritaire qui permet à des généraux de se maintenir en place par la force. Tant que le pillage de l’Algérie continuera empêchant une juste répartition des revenus, le développement de l’Algérie et donc la créations d’emplois « choses concrètes » seront considérablement freinés. Raffarin aurait mieux fait de lire l’analyse d’un membre du groupe facebook Algérie pacifique à ce sujet:
Le conseil des ministres vient d’accoucher d’une souris. On dirait ces ministres avec leur président ne vivent pas en Algérie ou plutôt considère leur peuple immature et ne comprend rien à la politique. Ils nous disent qu’ils ont construit des millions de logements alors la crise continue à frapper des millions de jeunes sans logements. Ils disent qu’ils ont créé des milliers d’emplois et de PME alors que des millions de jeunes avec ou sans diplômes souffrent du chômage. Ils disent qu’ils ont construit beaucoup de routes, tout le monde voit l’état dans lequel se trouvent nos routes, ils disent avoir une politique de santé, alors que tout le monde voit la réalité de nos hôpitaux et la disparition répétée de médicaments. Ils disent avoir une politique de l’agriculture alors la réalité ils importent tout de l’extérieur. La seule réalité vraiment réelle de ce pouvoir est qu’il est menteur, rentier, tribaliste et corrompu.